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Si l'opposition de beaucoup de Limousins à une "réforme territoriale" -imposée avec le "pacte de responsabilité" par le gouvernement comme seules réponses à un cuisant échec électoral- paraît légitime, il nous semble que le refus exprimé ici et là d'une union avec les régions Centre et Poitou-Charentes, par les arguments avancés, est beaucoup plus discutable.

Ce qui nous semble poser problème est non pas que le Limousin s'associe avec ces deux régions, mais la procédure adoptée par François Hollande et son gouvernement pour imposer cette réforme: une réforme bâclée -fruit de tractations téléphoniques entre les chefs territoriaux du PS- qui ne résulte pas d'une expertise mais plutôt de rapports de forces, qui ne semble pas profiter au citoyen -infantilisé-, et qui va certainement engendrer un énorme plan social dans le secteur public -notamment dans la fonction publique territoriale. Elle contient pour notre région plusieurs risques: celui de retirer à Limoges ses fonctions métropolitaines et de la rendre pour le coup moins attractive -avec toutes les conséquences démographiques que cela implique- , et celui très discutable d'une "perte d'identité". Les questions à se poser en priorité sont les suivantes: les Français seront-ils consultés? (La réponse est pour l'instant "non"). Cette réforme est-elle réalisé pour le bien des citoyens? Permettra-t-elle au Limousin -ou plutôt: aux différents espaces qui composent le Limousin- de se développer, de connaître un avenir moins morose qu actuellement? D'où proviendront les milliards d'économies promis par Monsieur Vallini? Y aura-t-il des suppressions de postes de fonctionnaires, notamment territoriaux? Qu'adviendra-t-il des fonctions métropolitaines de Limoges, qui font son attractivité et qui sont matérialisées par la CCI, la chambre régionale des comptes, le rectorat, l'université, le Conseil régional, la chambre d'agriculture, etc...? Des signes sont depuis plusieurs années inquiétants et nous autorisent une certaine méfiance: les politiques de décentralisation menées par les différents gouvernements de droite comme de gauche ont:
- privilégié d'une manière outrancière les grandes métropoles, aux détriments des zones rurales et de celles qui sont polarisées par les petites et moyennes agglomérations (c'est-à-dire des espaces dans lesquels vivent 60% des Français);
- lésé les collectivités locales que sont les régions et les départements sur le plan financier, puisque les transferts de compétences ne se sont pas accompagnées d'une augmentation du montant des dotations, d'où par exemple l'état désastreux des TER, d'où également la situation financière très fragile des "petites" universités telles que celle de Limoges...
Ces politiques semblent suivre un scénario tracé depuis au moins 1993 par des institutions telles que l'OCDE (qui alors dans ses rapports expliquait par le menu comment dégrader ici et là des services publics sans provoquer de mécontentement généralisé) et par des lobbies tels que l'ultra-libérale IFRAP, qui prône un désengagement total de l'Etat dans la vie de la cité, au point de ne conserver comme prérogatives régaliennes que la justice et l'armée. Voilà ce qui est inquiétant et contestable dans la réforme de François Hollande, voila pourquoi elle doit être certainement combattue.

Maintenant, venons en au choix des régions à associer. Pourquoi une union du Limousin à l'Aquitaine serait un désastre pour notre région? D'abord parce que les Aquitains, notamment les Girondins, ne veulent pas du Limousin. Un sondage réalisé par Sud-Ouest le 22 mai (5600 participants) place le Limousin au tout dernier rang des régions avec lesquelles les Aquitains voudraient fusionner. Les "élites" (Juppé récemment, Bayrou dimanche 1er juin sur F.Inter, A.Rousset président du CR d'Aquitaine le 2 juin dans le journal Sud-Ouest), se sont prononcés contre la fusion avec le Limousin. Voici ce qu'on peut lire dans la presse économique de Gironde:
http://objectifaquitaine.latribune.fr/politique/2014-06-02/une-fusion-aquitaine-limousin-l-idee-est-taillee-en-pieces-par-les-acteurs-aquitains.html
L'on peut y lire les avis des acteurs économiques de Bordeaux, ainsi que du président du Conseil général de la Gironde. Texte à parcourir lentement: unanimement ils refusent la fusion avec le Limousin. Si jamais notre région insistait pour une telle fusion, le résultat serait très négatif: en plus du fait que nous serions humiliés par cette partie de la France qui nous estime -à tort- pauvre et peu intéressante, nous serions intégrés dans une région macrocéphale, uniquement polarisée par cette métropole très particulière et hyper-dynamique qu'est Bordeaux. Notre région deviendrait un "recoin". Pour s'en rendre compte, il suffit d'observer de quelle manière l'Aquitaine considère ses confins: Payzac, La Nouaille, le Périgord Vert, le Nontronnais... espaces en crise, qui se vident d'une partie de ses habitants. L'Aquitaine n'est pas intéressée par les espaces qui ne sont pas connectés à l'axe de l'A10 ou qui n'appartiennent pas à l'Arc atlantique, ou encore ceux où ne se manifeste pas de phénomène d'héliotropisme, qui n'attirent pas les cadres et les ingénieurs. Un seul exemple: la liaison ferroviaire Bordeaux-Limoges-Lyon a été supprimée l'an dernier. Les dirigeants et décideurs de l'Aquitaine n'ont pas condamné ce scandale: ils s'en contrefichent, car il leur est bien plus facile de se rendre à Lyon par TGV en passant par Paris. Limoges n'est absolument pas une option pour eux. Un autre exemple significatif: en 1988 Bordeaux est parvenu à capter la liaison ferroviaire Toulouse-Paris aux détriments de Limoges. Notre région subit aujourd'hui même les effets néfastes de cette mesure: le temps de trajet de Toulouse à Paris par Limoges est retombé à son niveau de 1964. Les acteurs politiques et économiques de notre région s'entredéchirent à propos de la construction de la LGV Limoges-Poitiers et de l'avenir du POLT, sans qu'aucune perspective claire et crédible ne leur soit apportée par les membres du gouvernement et par la SNCF. Les habitants de Périgueux disposent désormais d'une navette par car pour les acheminer à Angoulême afin qu'ils puissent bénéficier du TGV vers Paris. Des associations d'usagers du train réclament même pour Périgueux un aménagement de la voie ferrée pour accéder au TGV à Coutras. Exit Limoges...
Certains évoquent également une identité occitane commune. Outre le fait que l'occitan n'est quasiment plus parlé aujourd'hui, peut-on considérer que cette partie de notre identité doit entrer prioritairement en compte? Est-on sûr également que l'occitan soit une composante essentielle de la culture des Limousins, sachant qu'une grande partie des habitants n'est pas originaire de la région, et que la partie de la population la plus dynamique du point de vue démographique habite au Val de Laurence, à la Bastide, à Tujac? En présentant la "culture traditionnelle" comme critère prioritaire d'association, ne risque-t-on pas de transformer notre pays en agrégat d'ethnies? Une remarque à ce propos: si l'on considère la question sous l'angle de la musique traditionnelle (et non pas de la langue), force est de constater que le Limousin a beaucoup plus de liens avec le Berry qu'avec l'Aquitaine. Cette polémique est l'un des points les plus négatifs et maladroits de la réforme en cours: pour l'instant, elle a surtout créé des querelles de clochers, et amplifié les réactions de rejet dans toutes les régions de France. Et ce, en République.
Parlons d'identité limousine. Certes, notre région est certainement la plus cohérente de notre pays: ses limites sont calquées sur celles de l'ancien diocèse, formé à l'époque paléochrétienne, elles-mêmes empruntées -à quelques exceptions près- aux frontières de l'antique cité des Lémovices. Mais le Limousin est également une zone de piémont et de contact. Ce n'est pas par hasard que le nord de notre région se nomme la "Marche", nom qui évoque un espace de transition entre deux territoires. Cette notion fondamentale pour nous d'identité limousine est-elle la même pour un habitant de Saint-Yrieix, de Guéret, d'Ussel, de Bessine-sur-Gartempe, de Beaulieu-sur-Dordogne, de La Souterraine? Notre région -formée de petits pays différentiés: Hte Marche, Basse Marche, bassin de Brive, Châtaigneraie, etc...- est tout naturellement ouverte sur les régions mitoyennes. Quoi de plus normal si ici l'on préfère s'associer avec une région du Sud; et là à une région du Nord, y compris la région Centre? Et pour renforcer notre identité -nous Limousins qui sommes souvent vexés par l'image que le reste du pays a de nous- la valorisation de notre patrimoine et de nos paysages n'est-elle pas une priorité absolue? Nous avons justement laissé sans nous en offusquer, ça et là, des décideurs détruire massivement des quartiers historiques (notamment à Limoges), ou construire des édifices à l'esthétique très discutable (ainsi, la cité administrative de Tulle), ou encore autoriser l'exercice d'activités totalement impopulaire (l'uranium en Haute-Vienne). Notre capacité d'indignation devrait avant toute chose se porter sur ces questions de paysages, de patrimoine culturel, d'aménagement routier, ferroviaire, de développement, de services publics. Qu'est-ce qui fait de Bordeaux, de Tours, de Montpellier des métropoles appréciées des Français? Leur patrimoine culturel, leurs beaux quartiers, leur vie nocturne, leur gastronomie, leur tramway, leur accès pour les piétons et les cyclistes, leur futur TGV, leur optimisme... Il n'est pas ici question de langue occitane, française ou gasconne.

Pourquoi une union avec le Poitou-Charentes et le Centre n'est pas si absurde? Notre région entretient de nombreux rapports avec ces deux régions: économiques, au niveau de la communication (France3 Limousin-Poitou-Charentes), agro-alimentaires, universitaires (qui devraient bientôt se concrétiser par une fusion des trois universités)... A ce propos, que désirons-nous: que de nombreux bacheliers de l'Indre viennent étudier à Limoges (comme c'est le cas aujourd'hui) ou bien que la jeunesse du Limousin quitte massivement sa région natale pour faire ses études à Bordeaux? Certaines problématiques sont communes aux trois régions. Voici deux exemples: d'une part la question du POLT, colonne vertébrale du Limousin et de la région Centre (avec le POCL pour cette dernière). D'autre part la ruralité, notamment au niveau du bocage du Berry-Sud et du Limousin. De nombreuses activités sont complémentaires, notamment dans le domaine du luxe: par exemple, la porcelaine à Limoges, les cosmétiques dans la vallée de la Loire. L'argument selon lequel la région Centre serait une région pauvre ("molle") et sans identité n'a pas de fondement: la vallée de la Loire, avec ses industries de haute-technologie et sa "Cosmetic Valley" est l'un des espaces productifs les plus dynamiques de France; son patrimoine est un véritable atout: Chambord, Blois, Amboise, Chenonceau, Loches, la Sologne, la basse vallée de la Creuse... Pas d'identité, dites-vous? Une union avec Poitou-Charentes serait quant à elle l'occasion de faire de Limoges -qui a une ZI démesurément grande- le point ultime de l'hinterland du port atlantique de La Rochelle. Nous pourrions trouver des solutions à des questions cruciales, telles que l'aménagement en 2x2 voies de la RN147 ou du scandale des TER Limoges-Poitiers qui ne partent pas le matin. La question de la capitale peut être évacuée beaucoup plus facilement dans un tel ensemble: celui-ci a la qualité de présenter quatre métropoles de taille équivalente: Orléans, Poitiers, Tours, Limoges, auxquelles ont peut ajouter Angoulême et La Rochelle. Pas de métropole démesurément grande, qui aspirerait les flux (hommes et capitaux) aux détriments des autres. En 2014, à l'heure du numérique, il est possible d'imaginer une gestion partagée de la région. D'autant que la région Centre -bicéphale- possède déjà une tradition de gestion partagée.

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